Cette fois-ci, on a choisi de vous parler de dindes. Pas très sexy, direz-vous, des dindes. Pourtant, il y a de la matière autour, et pas seulement pour Noël. D’autres volatiles. Poules mutines, canards anars, oies coincées, pintades joyeuses, finalement ça fait quelque chose qui nous ressemble pas mal. Un poulailler, ou un village, ce n’est pas l’univers. Mais c’est un peu comme un reflet de l’univers dans une larme.
C’est Monsieur Rameau qui nous a refilé l’idée. Un très grand musicien d’il y a trois cents ans, avec ses Indes galantes. Musique sublime, livret stupide, il faut bien le dire. Alors nous avons secoué nos plumes pour améliorer la chose et la transporter ici, dans notre poulailler.
Qu’arrive-t-il quand un coq apprécié de ses sujets passe à la casserole ? Eh bien on en cherche un autre, direz-vous. Certes. Ça, c’est la logique pure. Celle de la vie, c’est plus compliqué.
Dans un poulailler, le chef, c’est le coq. C’est connu. On n’est pas dans une démocratie, plutôt dans un de ces très anciens empires débonnaires, ou dans un fabliau. On s’accommode paisiblement de ce pouvoir-là. Encore faut-il qu’il soit accommodant.
La liberté, c’est spécial. Le contraire d’une paire de chaussures, par exemple : elle s’use seulement quand on ne l’utilise pas. Cette bête-là revient toujours vous taper sur l’épaule, surtout quand on croit l’avoir mise au court-bouillon. Plusieurs potentats très décidés s’en sont aperçus.
D’autant plus fort elle revient si vous portez comme nous tous ces siècles d’histoire, ces personnages de légende, toutes ces songeries qui vous viennent par les grands ciels d’été et les pâles soleils d’hiver. Toute une vie déborde.
En fait, le message, c’est qu’il ne faut pas trop venir chercher les gens. Voilà. Parce qu’à ce moment-là, le griffon quitte le ciel de son écusson et revient pour tout remettre en place. Et ça secoue. Vous verrez.
Yves Scheller
